Le malheur du dernier âge nous concerneDans le monde capitaliste, l’intérêt à long terme ne joue plus ... Quant aux sentiments humanitaires, en dépit de bavardages hypocrites, ils n’interviennent pas. L’économie est basée sur le profit,
c’est à lui pratiquement que la civilisation est subordonnée : on ne s’intéresse au matériel humain que dans la mesure où il rapporte. Ensuite, on le jette. « Dans un monde en mutation, où les machines font des carrières très courtes, il ne faut pas que les hommes servent trop longtemps, tout ce qui dépasse 55 ans doit être mis au rebut », a dit récemment au cours d’un congrès le Docteur Leach,
anthropologue de Cambridge.
Le mot « rebut » (déchet) dit bien ce qu’il veut dire. On nous raconte que la retraite est le temps de la liberté et des loisirs ; des poètes ont vanté « les délices du port ». Ce sont des mensonges éhontés (impudents). La société impose à l’immense majorité des vieillards un niveau de vie si misérable que
l’expression « vieux et pauvres » constitue presque un
pléonasme inversement : la plupart des indigents (pauvres) sont des vieillards. Les
loisirs n’ouvrent pas aux retraités des possibilités neuves ; au moment où
il est enfin affranchi des contraintes, on ôte à l’individu les moyens d’utiliser sa liberté. Il est condamné à
végéterdans la solitude et l’ennui, pur déchet. Que pendant les quinze ou vingt dernières années de sa vie un homme ne soit plus qu’un laissé-pour-compte, cela manifeste l’échec de notre civilisation : cette évidence nous prendrait à la gorge si nous considérions les vieillards comme des hommes, ayant une vie d’homme derrière eux, et non comme des cadavres ambulants. Ceux qui dénoncent le système
mutilant qui est le nôtre devraient mettre en lumière ce scandale. C’est en concentrant ses efforts sur le sort des plus déshérités qu’on réussit à
ébranler une société. Pour démolir le système des castes (classes), Gandhi s’est attaqué à la condition des parias
(exclus) ; pour détruire la famille féodale, la Chine communiste a émancipé la femme. Exiger que les hommes restent des hommes pendant leur dernier âge impliquerait un radical bouleversement. Impossible d’obtenir ce résultat par quelques réformes limitées qui laisseraient le système intact : c’est l’exploitation des travailleurs,… c’est la misère d’une culture réservée à un
mandarinat qui aboutissent à ces vieillesses déshumanisées. Elle montre que tout est à reprendre, dès le départ.
Simone De Beauvoir. La Vieillesse, Gallimard, 1970
Compréhension1. Quelles sont les caractéristiques de la société capitaliste, selon Simone de Beauvoir ?
2. Dans le texte, comment
définit-on généralement la retraite ? L’auteur est-elle du même
avis ? Relevez des indices textuels pour justifier votre réponse
3. Relevez la métaphore relative à la retraite, expliquez-la en explicitant le rapport d’analogie
4. Simone de Beauvoir dénonce le système social. Quels indices syntaxiques et lexicaux le montrent- ils dans le texte
. Langue1Rédigez un court paragraphe dans lequel
vous exprimez votre opinion sur la condition des travailleurs émigrés. Employer 2 connecteurs
exprimant l’opposition ou la concession et deux propositions hypothétiques.
2. Si tu étais président, quels seraient les lois que tu
imposerais pour lutter contre le racisme ?
EssaiLe phénomène de l’exclusion est-il grave ou faut-il le banaliser ?
Exprimez votre opinion en justifiant vos arguments par des faits tirés de votre expérience personnelle ou de vos lectures.